« Cruiser » son ex
Comme je l’ai fait auparavant, pour ce billet j’ouvre mes pages virtuelles à quelqu’un qui, tout comme vous, me lit, me suit et, tout simplement, vit.
J’ai adoré sa plume mais j’ai encore plus été charmée et surtout agréablement surprise par sa magnifique réflexion. Tout simplement du dessert pour l’âme.
Bon appétit:)
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Alors que j’aide mon frère à rénover son balcon, mon cellulaire sonne et vibre. Je prends l’appel. Une fois que je raccroche, après une conversation d’environ une quinzaine de minutes, mon frère a un drôle de regard…
Je lui demande : « Qu’est-ce qu’il y a? »
Avec un sourire narquois, il me répond:
– Ben là! ».
– Ben là, quoi?! »
Et mon frère de me répondre : « T’es rendu que tu « cruise » ton ex! ».
– Non ! On se parle toujours comme ça! » .
-Ben moi, si je parlais comme ça à une femme, ça serait parce que je la cruise! » .
Ok, je vais vous faire une mise en contexte…
J’ai été marié pendant 11 ans. Après notre 9e anniversaire de mariage, ma conjointe m’a annoncé qu’elle ne m’aimait plus, qu’elle était en amour avec quelqu’un du bureau, que ça faisait neuf mois qu’elle me mentait, qu’elle me trompe, qu’elle n’en peut plus de vivre avec ce mensonge, cette double vie… Sur le coup, je n’ai pas trop compris, comme si je n’entendais pas bien…
Ok, ça faisait un bout qu’il ne se passait plus grand-chose entre nous, mais on n’avait jamais eu de grosses chicanes, pas de vilains mots ou d’insultes, une relation amoureuse qui s’était transformé en relation respectueuse mais sans plus… Le plus curieux, c’est quand on se fait dire « tu es un bon mari, un excellent père, mais je ne t’aime plus », c’est comme si ça ne fait pas de sens. On demande : « Alors si je suis un bon mari et un bon père pour les enfants, comment se fait-il que tu as cessé de m’aimer? » Si au moins je l’avais trompée, volée, insultée, battue, elle aurait de bonnes raisons de ne plus m’aimer…
On ne quitte jamais une job où on est bien, alors pourquoi quitter quelqu’un avec qui on est bien? Avec le recul, j’imagine que c’est à cause des trucs comme ça que les chercheurs n’arrivent toujours pas à savoir comment et pourquoi on tombe en amour.
Sont-ce les phéromones de l’autre qui nous attirent? La recherche de la « mère » ou du « père » dans l’autre? Alors s’ils ne savent pas comment et pourquoi on tombe en amour, j’imagine qu’ils ont encore moins d’idées pourquoi on en sort! Alors peut-être qu’il n’y a pas vraiment de logique dans tout ça, que les choses arrivent ainsi et qu’il faut apprendre à vivre avec.
Après le choc, les mois s’enchaînent et se suivent alors qu’on est un peu « mort-vivant », un vrai zombie de la rupture. Puis, on se dit que c’est trop bête, qu’on a deux enfants et qu’on devrait tenter de « retomber » en amour, se retrouver où on s’est perdu… C’est ce qu’on a fait… Thérapie de couple, ballons d’essai, petites sorties en amoureux, et puis on reprend, on recommence la vie de couple… Quelques mois passent et je vois bien qu’elle n’est plus là, comme dirait la chanson, « L’amour est mort… »
On se dit qu’on est fait fort, qu’on va passer au travers… Et puis vlan! Le tsunami d’émotions vient frapper en pleine face! On ressent la trahison, le coup de poignard, les centaines de mensonges, la sourde et profonde colère gronde… Les jours passent et les idées noires s’accumulent et obscurcissent notre capacité à réfléchir sainement. La vengeance semble être une bonne option. Curieusement, la haine a complètement remplacé l’amour… Étrange comment ces deux émotions se ressemblent, toutes deux sont profondément passionnelles et ne reposent pas beaucoup sur la logique…
On dit que l’amour rend aveugle et bien la haine rend fou puisqu’on dit être fou de rage! Pendant presque deux ans, la haine me ronge le cerveau jusqu’à ce qu’au cours d’un voyage en Asie, en séjournant brièvement dans un monastère bouddhiste, un moine m’a donné les clefs pour me sortir de ce cercle de haine qui se nourrit de la colère et de la frustration…
Il m’apprend que nous sommes tous un peu comme les lotus qui poussent dans les étangs du monastère : Le lotus prend racine dans la vase qui est au fond de l’étang et tout doucement, pousse sa tige vers la surface de l’eau, une eau remplie de bactéries, de microbes et de virus qui pourraient nous achever en peu de temps si on décidait d’en boire une tasse sans la filtrer. Puis, une fois que la tige atteint la surface, le bouton floral pourra éclore et devenir l’une des plus belles fleurs de l’orient…
Alors qu’il se rend compte que je ne saisis pas trop son allégorie, il m’explique que : « Malheureusement, dans bien des philosophies et croyances, on nous apprend qu’il y a des événements « bons » et d’autres qui sont « mauvais ». Qu’il y a des gens qui nous font du bien, d’autres, du mal, qu’on a des amis et des ennemis… Le lotus pousse malgré les virus et les bactéries qui sont dans l’eau. Le lotus utilise ce qu’il a besoin pour croître… Il n’y a pas d’événements bons ou mauvais pour lui, ni d’amis, ni d’ennemis, le lotus est ainsi grâce à son environnement, ce dans quoi il pousse… Nous sommes qui nous sommes seulement à la suite des événements au travers desquels nous avons passés. »
Son allégorie a tranquillement fait son chemin… Jusqu’à ce que je réalise où j’étais rendu dans ma vie, qui j’étais devenu… La haine m’a doucement quitté, jusqu’à ce que j’invite « mon ex » à un lunch… J’avais des choses à lui dire. C’était la première fois qu’on se revoyait autrement qu’en s’échangeant les enfants, dans le cadre d’une porte…
Elle sentait bien que j’avais quelque chose en tête, quelque chose d’important et de grave à lui dire… On oublie difficilement les « faces » et les « manies » des gens avec qui on a partagé dix ans de sa vie, lorsqu’ils ont des trucs vraiment importants à nous annoncer… Après les sujets de convenance, je lui ai annoncé : « J’ai quelque chose d’important à te dire… » J’ai senti son profond inconfort, la voyant reculer dans la banquette du restaurant, en prenant la serviette de table entre ses mains, comme si elle s’attendait à recevoir une volée de bois vert, un coup de masse, une tonne de reproches… C’est à ce moment que je lui ai dit : « Je veux te dire que je te pardonne. Tout ce qui s’est passé, c’est justement passé, je veux tourner la page sur cela. Le passé ne nous appartient plus, je suis heureux maintenant… »
Elle s’est mise à pleurer, me disant qu’elle se sentait terriblement mal de m’avoir trahi, trompé, que je ne méritais pas ça et tout le reste… Je lui ai dit que ça n’avait aucune importance, j’étais ailleurs maintenant, je ne lui en voulais plus… Et j’ai tenté de lui expliquer comment moi je comprenais le pardon à l’occidental, car les lotus sont un peu loin de notre réalité… « Imagine que tu me dois un million de dollars… Tous les deux, nous savons que tu me dois un million de dollars et ce million, il m’appartenait, alors j’ai le droit de te demander de me rembourser. Maintenant, j’ai réalisé que tu n’as tout simplement pas les moyens de me rembourser ce million de dollars. Alors j’ai le choix, soit que je tente de te harceler jusqu’à ce que tu aies trouvé le moyen de me rembourser, ou soit que je décide d’effacer ta dette, simplement parce que je réalise que tu n’y arriveras tout simplement pas… Tu vois, tous les deux, nous savons qu’effectivement, tu m’as trompé pendant presque un an. Tous les deux, nous savons que tu m’as menti et blessé. Mais je sais aussi que tu ne peux rien faire pour réparer le passé. Alors c’est pourquoi j’ai choisi de te pardonner et de ne plus t’en vouloir… »
Voici maintenant plus de dix ans que ce « lunch du pardon » a pris place et tous savent que ce fut une vraie délivrance pour moi et pour elle. Je ne l’ai pas pardonné superficiellement puisqu’elle est maintenant ma meilleure amie et que je m’entends à merveille avec son copain (celui avec qui elle était tombée en amour et avec qui elle m’avait « trompé »), on s’invite mutuellement à des soupers, je fréquente encore les membres de sa famille, on se voit dans des partys, etc. et c’est aussi pourquoi mon frère croyait que je la « cruisais ».
J’aimerais surtout ajouter que je ne l’ai pas pardonné par altruisme, non. Ma première motivation était de me sortir de ce cancer de haine qui me rongeait le cerveau et qui polluait mon existence… Pourquoi je partage cela avec vous? Et bien simplement pour dire qu’au travers de « ma vie amoureuse de marde », j’ai appris à pardonner et c’est vraiment une belle leçon de vie, j’en suis reconnaissant… Sur le coup, ça n’avait rien de bien amusant, et je ne souhaite pas ça à quiconque, mais je sais aussi que lorsque les gens semblent nous envoyer « d’la marde », en réalité, ce qu’ils font, c’est de nous amener ailleurs, nous amener où nous sommes aujourd’hui…
Personnellement, j’ai pensé longtemps que j’étais une « victime » dans tout ça… J’ai joué le rôle de la victime… En jouant ce rôle, mon « ex » se sentait affreusement coupable alors je jouais encore plus à la victime, la voyant souffrir… En faisant ainsi, je devenais son bourreau et on s’interchangeait les rôles de victime et de bourreau. Un cercle vicieux qui pollue la vie de tout le monde, les enfants inclus…
Je suis heureux d’avoir appris à pardonner car depuis ce temps, je ne suis plus une victime, ni un bourreau…
Et, selon mon frère, je « cruise » mon « ex »!
La vie nous amène parfois à des endroits bien utile pour notre âme mais on s’en rend compte après coup seulement ! La résilience est une qualité exceptionnelle. Merci d’avoir partagé ton histoire.
Effectivement. Lorsque j’étais « enfermé » dans ma tourmente de haine, les gens me disaient qu’il me fallait pardonner, passer à autre chose, etc, mais je n’y arrivais pas, tout simplement, jusqu’à ce que ce moine bouddhiste me donne « les clefs »… À partir de ce moment, j’ai pu tranquillement ouvrir la porte vers le bonheur…
Il faut savoir donner du temps au temps… Moi, ça m’a pris au moins 2 ans…
On as tous un chemin différent dans la vie et tenter d’en tirer le meilleur t’a sûrement aider et oui parfois le chemin est long mais mieux faut tard que jamais 😉
P.s. Il y a 2 Marie qui te réponde !
Bonjour Marie
Merci pour le commentaire.
Effectivement, le rythme de chacun est différent face aux événements. En ce qui me concerne, j’ai vu dans celui-ci un bel apprentissage du pardon. Moi et mon « ex » sommes capable de parler ouvertement de ce douloureux passage et sommes heureux d’avoir pu acquérir plus de « sagesse » là-dedans. Mais tout comme c’est évident que lorsqu’une femme donne naissance à son enfant, la douleur est présente, plusieurs disent que lorsqu’elles prennent le bébé, la douleur n’apparaît plus comme étant aussi pire… Ok, je suis un homme et je n’ai jamais eu de bébé, mais j’ai quand même assisté à la naissance de mes deux enfants et c’est ce que j’ai pu vivre par « procuration »…
WOW! C’est vrai qu’on ne pardonne pas par altruisme, mais aussi parce que ça nous fait du bien. Ne t’en fais pas pour ton frère: il n’a pas suivi le même cheminement que toi. Et je ne parle pas de la séparation, mais du cheminement spirituel.
Le point que j’ai le plus aimé? La victime! Oui, nous aimons jouer à la victime parce que c’est tellement facile de se plaindre, de tout rejeter sur les autres et ça nous évite de nous remettre en question.
Es-tu plus heureux maintenant depuis que tu t’es guéri de la « victimite »? Pas besoin de répondre, la fin de ton témoignage me le confirme. Et continue à être bien dans ta peau!
Merci pour le commentaire… Il faut bien dire que le commentaire que mon frère avait émis l’a été fait plus par taquinerie que par incompréhension… Mes proches et ma famille sont heureux de me savoir « en paix ».
Pour ce qui est de vivre en victime, je voulais mentionner qu’en prenant ce rôle, on projette sur notre « bourreau » une énergie négative qui l’enferme dans un rôle qui ne lui plaît pas (si la personne a quelque peu d’empathie, faut s’entendre!), et, en faisant ainsi, on devient le bourreau de notre bourreau qui est victime de notre projection. C’est dans ce sens que l’on s’enferme dans une dynamique de bourreau/victime/bourreau/victime et qu’on doit en sortir un jour, sinon, on « coule » vers le fond de l’amertume…
Je suis totalement d’accord avec toi Sylvain.
Je dis et répète depuis toujours que je ne suis victime de rien, qu’on choisit de l’être ou non!
Etre victime et blâmer les autres de nos malheurs c’est la voie la plus facile. Choisir d’assumer ses choix et ses décisions c’est la plus difficile mais ho combien mieux à la longue !
Le jour ou j’ai choisie de ne plus être victime, j’ai pris ma vie en mains et maintenant je suis heureuse.
Mon histoire est presque un copier coller de la tienne à la différence qu’on n’a pas d’enfant. Elle m’a trompée, menti et elle m’a quitté en me disant qu’elle me m’aimait plus.
Je lui ai pardonné pour me libérer. Cela fait 2 ans et je tente de mettre toute cette histoire derrière moi mais c’est plus fort que moi. Je l’aime toujours.
Parles moi d’une vie amoureuse de marde…
Bonjour Michel
Personnellement, j’aime aussi toujours mon « ex » mais différemment. Elle est réellement devenue ma meilleure amie.
Malheureusement, en français ou en anglais, nous sommes un peu limités dans le choix des mots pour décrire l’amour. En gros, dans ces deux langues, nous avons 2 stades, soit l’amitié et l’amour. Dans le grec ancien, il semblerait qu’il y avait jusqu’à 7 différentes façons de nommer l’amour… Alors je crois que c’est normal d’aimer encore la personne avec qui on a passé du bon temps. La chanteuse Mara Tremblay a parlé de comment elle aime toujours ses anciens « chums », mais de façon différente. J’ai bien aimé une phrase qu’elle a mentionnée, soit : « Une fois que tu as ouvert ton cœur à quelqu’un, il est très difficile de le refermer… »
« Une fois que tu as ouvert ton cœur à quelqu’un, il est très difficile de le refermer… » Même si la femme pour qui tu ressentais un sentiment particulier ne ressentait la même chose pour toi, ça peut prendre du temps pour le refermer et le remplacer par autre chose.
On dirait que le temps a arrêté depuis les 2 dernières années. Depuis son départ j’ai été en couple avec d’autres femmes mais rien ne dur car j’aime toujours mon ex. S’en est dramatique. Je la vois dans ma soupe. Il n’y a pas une seconde où je ne pense pas à elle.
Une fois que tu as ouvert ton cœur à quelqu’un, il est très difficile de le refermer…
Oui effectivement! Je vais donc avoir besoin d’apprendre le grec ancien…
Bonjour Michel
Pour ma part, j’ai beaucoup bénéficié de rencontres avec une psychologue. Tout comme ce moine bouddhiste, elle a pu me donner les « clefs » pour comprendre certaines de mes réactions, car beaucoup de nos comportements sont souvent dictés par la fameuse loi « actions/réactions ». Peut-être que ça pourrait vous aider d’aller consulter quelqu’un. Malheureusement, les hommes sont rares à aller consulter des psys, on croit, à tort, que c’est un signe de faiblesse. Comme j’ai mentionné, pour ma part, ce fut aidant.
Bonne chance…