célibat

Je t’ai réparée pour que tu puisses mieux me briser

Tu m’as quitté en m’écrivant et je cite textuellement : « Tu m’As ramassée alors que j’étais brisée comme jamais. Même si ça finit comme ça, tu m’As réparée et je dois t’en remercier. » (Elle a vraiment accroché deux fois le A majuscule dans son message alors par souci de transparence journalistique, je retranscris intégralement)

Mais moi, qui me réparera maintenant que je suis, à mon tour, brisé de toutes parts, que je cherche mes morceaux éparpillés par l’obus de ton départ, que mon mécanisme et que les engrenages de ma perspective sont complètement déréglés, que mes rouages sont désormais tordus sous le poids de ton absence? J’imagine que ce doit être l’ultime don de soi amoureux que de réparer celle que l’on aime plus que tout au monde à en finir, soi-même, détruit, le cœur en chantier. Une sorte de Donnez au suivant de la brisure humaine sans Chantal Lacroix pour adoucir le drame du portrait.

Tu es ainsi devenue mon P’tit bonheur que j’avais ramassé, tout en pleurs, sur le bord d’un fossé. Tu es ensuite partie sans me donner la main. Mais moi je ne veux pas être ton Félix Leclerc! Je ne veux pas penser mourir de chagrin et d’ennui! Je ne veux pas cesser de rire! Je ne veux pas que ce soit toujours la nuit! Me voilà coincé dans une mauvaise chanson dont le refrain se répète quotidiennement, m’écorchant les tympans et m’agressant le cerveau, comme si Michel Louvain chantait une berceuse dans ma tête toute la nuit. Je veux revivre dans une chanson l’fun, mais c’était toi ma plus douce mélodie.

On se fait dire que le temps arrange les choses, mais, à chaque jour, c’est comme si ça ne faisait que cinq minutes que tu venais de mettre un terme à nous. C’est comme être pris dans un sable mouvant duquel on veut se dépêtrer mais dans lequel, plus on s’agite, plus l’on s’enfonce, plus l’on s’enlise. Alors je demeure statique, faussement stoïque, afin de limiter les dégâts. Mais quand on ne bouge pas, on stagne,  on dégénère, on s’enracine dans  son marasme. C’est une sorte de jour de la marmotte, de jour de l’amour morte, sans Andie MacDowell pour nous rassurer que tout ira bien.

Qui viendra emplir l’inapprivoisable gouffre, dont je ne vois le fond, qui m’assiège? Comment vais-je canaliser ce noble sentiment que je n’ai plus le droit de t’offrir? À qui raconterai-je mes journées? À mes amis? À ma famille? Ils sont bien gentils mais l’on s’use d’un disque sur repeat qui finit par se rayer à force d’abusives répétitions. Ça fait son temps, les amis et la famille. Tu étais mon amie, tu étais ma famille. 

Toi, tu es forte. Tu es loin, en avant, et tu ne me vois probablement plus dans ton rétroviseur. Il y a peut-être même déjà un nouveau passager à bord, à tes côtés. Et moi, je suis là, sur le bord du chemin avec mon bagage de vie usé, à faire du pouce pour aller je ne sais où avec je ne sais qui. J’avais une destination en tête, avec toi, mais je n’y suis plus le bienvenue, devant m’exiler en des terres que je n’aime pas. Je dois même te faire pitié, t’être pathétique à l’heure qu’il est, à écrire ces lignes, dans le vide et la redondance d’un cul de sac.

Je suis devenu le fardeau, le gars qu’on a hâte qui’ décroche, le Vol d’amour dont on ne dit pas le nom, une relique poussiéreuse dans les méandres d’un souvenir qui ternit; je suis devenu celui qui n’avait pas les outils afin de se réparer lui-même.

Jean-Christophe Noël

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