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Le Blue Bonnets de la date

Chaque texte que je reçois me touche à sa façon, mais c’est un sentiment bien particulier qui m’habite quand le texte est écrit par une amie proche. Cette semaine, je partage avec vous le texte d’une fille extraordinaire que j’ai la chance de compter parmi mes proches depuis des années et qui tout comme moi à une certaine époque, a son trop plein de déceptions et échecs amoureux et qui décide de rendre les armes et les larmes.
Une autre qu’on pourrait qualifier de  « intelligente-drôle-belle-sensible–comment ça que t’es encore toute seule? » et qui, pourtant, ne trouve pas chaussure à son pied et a décidé de prendre une pause et se promener pieds nus.
Laulau, ton Fabuleux t’as pas trouvé encore, mais quand ça va arriver, eh qu’il va se trouver chanceux!

J’ai décidé de quitter le grand monde de la quête sentimentale virtuelle. Je suis tannée. C’est devenu malsain pour moi et je me rends compte qu’une simple éraflure d’égo dans les jeux de la séduction est devenue désormais l’équivalent d’une entaille à la chain-saw. Est-ce qu’une pause s’impose?

Je suis depuis plusieurs mois dans une attente terrible que la vie me délivre une belle histoire d’amour. Genre : je suis vraiment due. Qu’on se le tienne pour dit, je pense avoir pas mal fait le tour de mon célibat. Je le sais que c’est le fun (du moins, il l’a déjà été!), qu’on est libre, qu’on ne doit rien à personne et qu’il y a moult avantages à vivre une telle vie, mais après 4 ans, ça se pourrait-tu que j’aie réellement besoin d’autre chose et que le célibat me fasse voir l’endos de sa médaille? Son darkside of the moon?

C’est ainsi que parfois prise de panique devant l’éventualité de finir mes jours seule – qui plus est sans chat – je me remets à grand coup d’espoir sur les sites de rencontre. Devant la réalité de ma vie de trentenaire avancée et devant les occasions de moins en moins nombreuses de séduire loose dans la nature, dans un habitat dit plus « naturel », les sites de rencontre deviennent l’option par excellence du « Tout d’un coup que! ». J’ai bien compris que les chances de rencontrer l’homme de ma vie dans la rangée du pain à l’épicerie sont minces, voire nulles, même si je fais toujours un effort pour me “chixer” un brin avant d’aller chez Métro. Face à ce constat, Tinder et ses amis deviennent une option à considérer. J’y vais, je repars, j’y reviens, je boude et j’y retourne. On se croirait dans un pattern de relation nocive. Bref, entre les deux, mon cœur balance, ma patience s’effrite et mon amour-propre en prend parfois plein la gueule. Jusqu’à la prochaine surprise…

Parce que je serais menteuse ici de ne pas parler des heureux hasards qui surviennent occasionnellement. Il y en a, même s’ils ne sont pas nombreux. Les histoires de sites de rencontre ne sont pas que tristes et décevantes; j’ai autour de moi de jolis exemples de relations extraordinaires qui sont le fruit de la magie Tinder. J’ai moi-même parfois vécu ces moments de fraîcheur au cours des quatre dernières années. Grand bien m’en fasse; ils ont sans doute contribué au fait que ça déshumanise un peu moins tout ce concept de drague 3.0. C’est peut-être pour ça que j’y suis retournée d’ailleurs, après somme toute quelques échecs, quelques éraflures d’égo ou déceptions…

C’était le cas depuis 6 mois. Swiper des faces avec l’espoir que. Parce que j’ai encore cette soif profonde de rencontrer ma moitié, la personne qui va me faire vibrer, qui aspirera aux mêmes rêves que moi. Parce que ça fait mauditement longtemps que je l’attends cette personne. Parallèlement, le temps m’a assez fait réfléchir que je sais ce que je veux aussi. Je n’ai plus envie de perdre mon temps. Le reste de ma vie se porte bien; j’ai juste vraiment envie que la case « sentimentale » se remplisse un peu.

C’est donc dans cette optique que je m’adonnais depuis les derniers mois à la « cruise » virtuelle dans l’objectif de rencontrer le monsieur qui m’allumerait tel un feu d’artifice digne de la St-Jean! Quelques rencontres infructueuses plus tard, avec l’impression d’être parfois passée contre mon gré au pays des mensonges dans celles qui ont lieu, je me sentais déjà lassée de ce retour. Je veux dire une succession de discussions plates, de small talk, de déceptions, d’impressions de pertes de temps. Je constatai en plus la présence de phénomènes fort désagréables, devenus visiblement récurrents dans le monde déconcertant de la date. Faut-il ici se rappeler qu’il faut être aguerri et au goût du jour des nouvelles tendances? Sachez donc que j’ai observé dernièrement cette fâcheuse habitude qui vise essentiellement à ne plus donner de nouvelles dès qu’un rendez-vous officiel est donné. Créant ainsi le doute de « Voyons?! Je vais tu me faire choker? ». Ou donnant l’impression que dès que le candidat a booké sa date, tu deviens moins importante. Sensation ben poche faut-il en gras, caractère 36 le souligner?! Jusqu’à la prochaine surprise…

Après trois dates résultant en échecs successifs, voilà que la tendance ne se maintient plus pantoute et qu’un candidat qui se démarque, fait son apparition. Je me sens soudain au Blue Bonnets de la date, devant quelques chevaux qui veulent s’immiscer dans la course et c’est à qui réussira le premier. Aux tribunes, j’attends que le show must go on et je les observe déployer tout leur attirail pour atteindre l’objectif ultime : une date. Les étalons de l’hippodrome n’ont tous pas la même vitesse et certains se démarquent majestueusement. Les stratégies sont variées. Tandis que les uns visent un tour de force et optent pour une rapidité malhabile, d’autres se joignent à la course d’un rythme régulier et choisissent d’atteindre l’objectif plus doucement, mais plus sûrement. Et je suis assez honnête pour admettre que toutes les variantes peuvent être charmantes.

J’ai donc récemment eu un match avec un cheval de course de compétition. Vous savez le genre de candidat « attendu », celui qui déclenche un tsunami de «My God, ça fait du bien!». Un hasard de jour neigeux et de circonstances cocasses de la vie. Intéressant, franchement mignon, mon intérêt à le rencontrer augmentait au fil des discussions qui s’avéraient fréquentes et bien souvent initiées par lui. Nous sommes rapidement sortis de l’application Tinder pour continuer d’échanger par texto et un rendez-vous a vite été confirmé. La course se passait très bien pour lui. Il briguait l’arrivée avec élégance. En peu de jours, nous avons échangé sur plusieurs sujets et j’avais agréablement coché plusieurs critères qui sont importants pour moi au fil de ces conversations. Pendant qu’il m’offrait le plus beau spectacle de la considération, brillant sur la piste comme un objet de désir que j’allais enfin rencontrer sous peu, les autres montures peinaient à se tailler une place. Un autre cheval a ralenti sa course à la mi-parcours. Debout dans les estrades, je ne voyais que ces deux-là. L’un avait la crinière et la beauté d’un pur-sang; l’autre le talent et la rigueur qui me font frémir. Pendant ce temps, quelques autres chevaux tentaient infructueusement d’attirer mon attention. Je n’avais d’yeux que pour les deux premiers qui avaient réussi à susciter mon intérêt. Le cheval de course de compétition avait toutefois réussi avec brio à le stimuler et surtout à le retenir. C’est ça le Blue Bonnets de la date dont je parle. Et qu’on s’entende bien, je suis pertinemment consciente que je suis le cheval de quelqu’un d’autre. C’est cette partie du dating, qu’on ne veut pas un jeu, mais qui n’en demeure pas moins le spectacle le plus divertissant de la chose, qui m’excède. Parce qu’on va être franc ici, je sais très bien que je dois aussi défendre ma place au sein d’un hippodrome de juments ambitieuses, parfois même présomptueuses. Et que tout ça n’est au fond qu’une course éreintante, vers qui se rendra en premier à la date. Un peu comme quand on se cherche du travail et qu’on vise l’entrevue. Il y a après, tout un paquet de facteurs comme le timing qui peuvent entrer en ligne de compte, mais c’est un peu pour ça qu’il est préférable de ne pas se créer d’attentes avant le tout premier rendez-vous. Difficile cependant de se censurer l’espérance ou l’onomatopée de bonheur lorsqu’un candidat se défend tellement bien dans la course. Il me vient plus l’envie de sortir des gradins et de me faufiler à l’arrivée plus vite que la vitesse de la lumière afin de dévoiler devant l’étalon une pancarte avec la mention « Je t’attendais. »

Mon cheval de course de compétition a fait volte-face. Debout sur l’estrade, je n’ai rien compris. Lui qui depuis le début de la course me faisait entendre son hennissement de bonheur, je le perdais soudainement de vue. Brutalement, sans crier gare. Un vendredi soir. Il a quitté la course non pas sans m’éblouir une dernière fois de son élégance qui m’avait conquise d’emblée. Il est venu me faire un dernier salut, s’excusant de devoir quitter la piste vers là où son cœur le portait. Dans toute ma déception, je n’ai pu que saluer l’effort de terminer/annuler les choses proprement. La date n’aurait pas lieu. Mon cheval de course attendu s’évadait de l’hippodrome et moi, déçue, je ne savais vers quelle lamentation me vouer tellement le choix était grand. J’essuyais un retentissant échec. Et j’étais fâchée. Au-delà du fait que Jappeloup m’avait séduite et que je me faisais une joie intense de le rencontrer, quelque chose d’autre me transperçait et me créait une émotion de colère. Et pourtant, je n’en étais pas à mon premier revers. Pourquoi ce cheval-là me mettait-il dans cet état? Je m’étais pris un râteau? Ouin, pis? C’était la game au Blue Bonnets de la cruise et je le savais très bien que ça se pouvait.

Fabuleuse amie devait venir me visiter. La pauvre, elle arrivait en pleine crise! Je venais tout juste d’apprendre que le destrier me faisait faux bond pour une autre bataille. Elle me connaissait par cœur et proposa que nous suranalysions la situation afin de peut-être comprendre ce qui me plongeait dans cet état de rejet profond. De bonne joueuse au jeu de la séduction et des sites de rencontre, j’étais devenue fatiguée, voire aigrie devant les échecs réguliers de mes tentatives. Et cet énième recalage agissait ici comme la cerise sul’ Sunday. Pis c’est pas juste parce qu’on était dimanche pour de vrai! Sans farce, le sun était pas mal absent du day, on va être honnête!

Depuis toujours, il m’importait de saisir l’essence de mes émotions, de les démêler et d’en ressortir avec des apprentissages. Une passion commune que je partageais avec Fabuleuse amie qui avait vécu son lot d’expériences elle aussi. Sa voix d’ange m’apaisait et si les pistes de réflexion qui résultaient de nos échanges étaient parfois confrontantes, chaque fois, je finissais par voir plus clair, à en sortir avec du positif et ultimement, à lâcher prise sur la situation. Elle avait un don à me faire voir les situations comme le docteur dans This is us : “How you take the sourest lemon that life has to offer and turn it into something resembling lemonade.”

Voilà donc que je m’époumonais dans le salon avec ce grand besoin d’expression. « Rien n’avait laissé présager un tel revirement de situation! » « J’avais été prise de court! » « Pour une fois que j’étais solidement intéressée! » « C’était quoi les chances qu’il rencontre quelqu’un d’autre le week-end qui nous séparait de la date? » En soi, son texto était gentil, sincère et honnête. Me restait juste à avaler la pilule.

Fabuleuse amie me regardait sans jugement sur le divan. Mon cheval de course avait rebroussé chemin pour se rendre à un autre « box ». Je n’y pouvais rien. Outre l’égo blessé qui constatait être passé de première position à plus rien pantoute, Fabuleuse amie observait à quel point ce rejet m’était douloureux. « Je sais ce qui te blesse profondément dans cette situation. C’est l’impromptu de l’affaire. Le fait que tu ne l’as pas vu venir. Que tu n’as même pas envisagé que ça pourrait arriver. » me dit-elle. « Il y a un goût de déjà-vu avec tes blessures du passé, pas si lointain. Rappelle-toi la dernière fois que tu n’as pas vu venir une situation. Je me souviens, moi, à quel point tu en as bavé des ronds de chapeau. Cet événement te confronte à ça : tu n’aimes pas les histoires sans fin. Et c’est ça qui te ronge. Qui te fait mal. ».

Silencieuses, nous nous regardions les yeux pleins d’eau toutes les deux, conscientes qu’elle avait raison et qu’elle soulevait là, un point majeur. Je comprenais exactement à quel événement de mon passé elle faisait référence. Je ne pouvais être plus d’accord avec ma Fabuleuse amie sur cette lecture de moi-même et je devais admettre que la théorie tenait la route. J’avais certainement quelque chose à comprendre de tout ça et il s’avérait clairement, qu’une pause était nécessaire.

C’est ainsi qu’au terme d’un après-midi dominical, j’ai décidé de fermer l’hippodrome. Au moins une partie de la saison hivernale, histoire de ne pas affronter la prochaine course hippique en prenant tout ça trop au sérieux. Mon cheval de course de compétition ne saura probablement jamais qu’il a été au cœur d’une réaction qui m’a fait effacer mon profil de tous les sites de rencontre auxquels j’étais abonnée. Des fois, ça fait du bien de faire une pause. Je sais très bien que j’aurai la chance de croiser d’autres Jappeloup dans le grand monde virtuel des célibataires et je sais que ma pancarte « Je t’attendais. » ne sera jamais bien loin.

Mais une chose est certaine, c’est que j’ai hâte que ma métaphore hippique se transforme en histoire épique…

Avis à tous les cavaliers de la sentimentalité!

Laurence Alberro

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