Être séropositive en 2018
Quand le célibat nous pèse depuis longtemps, c’est facile de se dire qu’on vit quelque chose de vraiment difficile, parce que oui, ça l’est vraiment par moment. On vit dans une société et à une époque où on est un peu perçu.e comme un.e paria quand on n’est pas en couple et parce que c’est vraiment tout sauf reposant de côtoyer les sites et apps de rencontres. Mais ce texte que j’ai reçu cette semaine nous rappelle qu’il peut y avoir des célibats pas mal plus difficiles à vivre que d’autres. Et, par le fait même, ça nous remet à l’esprit d’essayer de ne pas trop juger parce qu’on ne sait jamais ce que vivent les autres…
Je suis nouvellement célibataire après 15 ans de relation et j’ai une petite fille de 8 ans.
En 2005, après 2 ans d’aller-retour à l’hôpital pour multiples maladies orphelines ou incongrues, j’apprends que je suis porteuse du VIH.
Ma première réaction fut de demander :
- «Est-ce que cela veut dire que je vais mourir… »
Ce à quoi, le corps médical m’a répondu :
- « Ne vous inquiétez pas mademoiselle, maintenant on fait des traitements pour prolonger la vie »
Ça fait maintenant 13 ans que je vis en sachant que je suis séropositive, bien qu’il semble que je le porte en moi depuis 18 ans. Je l’aurais contracté en l’an 2000. Une année forte en émotion pour moi où j’ai multiplié les relations…
Quand je l’ai appris, j’étais déjà en couple depuis 2 ans.
Mon partenaire, lui, n’était aucunement infecté. Il a décidé de m’aider à surmonter tous les sentiments qui pouvaient m’habiter à ce moment-là. Nous sommes restés ensemble pendant 15 ans.
Nous avons complètement arrêté de nous protéger à partir de 2008, l’année à laquelle mon médecin m’a formellement annoncé que je n’étais plus transmissible. Ma trithérapie fonctionnait à merveille et ma charge virale était indétectable depuis déjà quelques années…
Nous avons conçu une petite fille en 2010. Aucune transmission possible dans mon ventre, un risque minime à l’accouchement mais des protocoles en place pour le rendre nul. J’ai dû être transfusée d’antirétroviraux pendant 12h avant l’accouchement et ma petite fille naissante a dû prendre la trithérapie pendant ses 6 premières semaines de vie.
Ce fut un moment douloureux pour moi, mais pour elle tout s’est bien passé et aujourd’hui elle est simplement merveilleuse, en pleine forme et aucunement touchée par le virus.
Mon couple s’est brisé il y a presque un an…
Un cheminement différent pour l’un comme pour l’autre. Il reste toutefois, un homme que j’aimerais sûrement toute ma vie et pour qui j’aurais toujours un respect énorme.
Il y a à peu près un mois, ma libido est revenue d’un coup et mes hormones se sont mises à crier famine…
Après 15 ans dans un cocon, je n’avais aucune idée de l’impact de la séropositivité sur les hommes en ce qui attrait à la sexualité. Autant vous dire que les réactions sont un peu différentes d’un homme à l’autre mais en règle général ce n’est pas très positif.
J’ai l’impression de me retrouver au temps de “Philadelphia” quand les personnes atteintes du VIH étaient perçues comme des pestiférées. Certains ont simplement arrêté de me parler d’un coup à l’annonce de la nouvelle… D’autres ont persisté un peu, en raison du respect… mais au final aucun n’a eu le goût de me prendre sauvagement, si je puis me permettre.
Aujourd’hui, j’ai l’impression de revivre les mêmes sentiments qu’en 2005.
Je me sens sale, dévalorisée, aucunement attirante, un peu en colère du manque d’information sur le sujet après toute l’évolution qu’il y a eu en la matière…
Mais surtout triste…
Un sentiment que je n’aime pas car il m’empêche d’avancer dans beaucoup de sphères de ma vie, principalement la sphère professionnelle.
Je me pose beaucoup de question, celle qui me perturbe le plus concerne la solitude…
J’aime la solitude… Beaucoup même. Ça faisait d’ailleurs partie d’une des causes de ma rupture…
Toutefois, la solitude forcée me fait peur… Celle qui vous habite quand elle provient de votre différence, de cette petite chose qui fait que les autres vous repoussent…
J’ai peur de ne jamais plus retrouver quelqu’un qui n’aura pas peur de me toucher, qui aimera parcourir mon corps même si il contient quelque virus à l’intérieur…
Laurence Folco