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Chasser l’amour

Partout, on l’encence, on le louange, on en fait son éloge, on le met sur un piédestal.

Sa réputation le précède et il est source de convoitise. On lui court après, on le pourchasse, on le traque, sans repos ni répit. On s’en essouffle, on s’en éreinte, on s’en perd. On s’en écorche les genoux à tomber, à trébucher sur des bûches et embûches pourtant faciles à éviter.

On se vend pour lui, on se puttasse, on s’oublie. On fait des choses insensées, on se dénature, on se dit qu’il vaut ça.

Et un jour, la mythique bête aux formes diverses se profile devant toi. Son proéminent bombement t’indique qu’elle t’accouchera le Bonheur et tu veux y être pour le cueillir, le récolter et donner un sens à tout ça. Tu ne veux pas manquer ta chance car tu ne sais pas si le rarissime animal recroisera la mire de ton canon armé de bonnes intentions. Tu ne veux pas l’effrayer, le faire fuir. Tu te maquilles l’âme de ton plus beau toi, tu te décores le corps de ta plus charmante étoffe, tu t’imbibes d’effluves qui n’e t’appartiennent pas, tu te chasses la fourrure d’ours avant de l’avoir tué. Sur la pointe des pieds, tu évites les branches, les feuilles et même si le sentier est imprécis, tu franchis l’espace inquantifiable vous séparant.

Et tu mets le grappin dessus! Ton filet tissé de mailles castrant l’oxygène l’enlace et l’étreint de ses bras suffocants.

« Enfin! que tu te dis. C’est mon tour!« .

Tu le ramènes chez toi, noué et bâillonné sur ton capot, panache au vent, car tu veux montrer aux autres chasseurs ta gloire. Tu l’encages, tu égaies son habitat dénaturé de barreaux froids et tu lui demandes de siffler son Bonheur. Sa mélodie se fait vive, initialement. Tu ne lui donnes pas d’air, tu l’étouffes, tu l’isoles, tu le gardes pour toi car tu manques de confiance.

Tu le nourris mal, tu le gaves, tu l’enrobes de panure et de parures. Tu le négliges de bon coeur mais tu insistes, tu persistes, tu le caresses sans douceur à rebrousse-plume, brusquement.

Il ternit, il fane sous tes yeux mais tu continues de le sentir, ton nez logeant le déni. Tu resserres donc l’emprise, tu solidifies les barreaux que tu peins d’un doré scintillant écaillable, lustré d’absence d’empathie. Il te siffle faussement d’illusion sans conviction, pour te faire croire, pour faire comme si, pour faire ce que tu attends de lui. Votre temps est compté.

Dépérissant à vue d’oeil, il échafaude sa migration, il planifie son envol là où il se déploiera librement. Il ne siffle plus, il n’est plus l’ombre de lui-même ni de l’épervier. Dans un moment où l’amertume te saoule, tu négliges de fermer sa cage un bref instant et il en profite pour te quitter. Tu le trouves égoïste car tu lui as tout donné mais as-tu seulement écouté ce que disait, ce que réclamait son chant?

La bête que tu as tenté de dompter plutôt que d’apprivoiser patiemment, méticuleusement, n’est plus présente. L’odeur de son passage flotte encore et te hante à t’en éléctrochoquer l’esprit, te plongeant dans un frénétique et convulsif état mental.

Le fouet l’a amadoué brièvement, le pistolet à impulsion électrique l’a tenu au sol plus longuement mais quand tu l’as enchaîné, le privant de toute lumière, tu as déclenché le compte à rebours de l’amour.

L’amour a fait son temps. L’amour t’a explosé en pleine face. L’amour n’est plus ta possession.
Et tu en es l’unique coupable.

Michael Melvin

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