La vie en paquet de douze
Aujourd’hui, je cède mon blogue à une autre fan de la page MVADM , Karine en Diaporama ,qui vit quelque chose de très difficile en ce moment.
L’écriture étant un bon exutoire, elle couche son expérience sur papier, voici son histoire…
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Ça y est, c’est fait.
Ça ne fonctionnait plus avec ton copain du siècle dernier. Quatorze ans de bons et loyaux services. Tu l’as laissé, enfin, devant tous tes amis qui disaient de le faire, parce que c’est la chose à faire. Parce que tu as eu assez d’une relation toxique. Tu es tellement belle et tu vaux tellement mieux. Parce que c’est ça, et que tu vas te sentir tellement mieux après. Pis tu sais, tu le sais, allez vas-y, tu vas être tellllllement mieux après. Pas de fils, pas d’obligations, personne. Tu vas voir, à go on y va, on va être là, c’est LA chose à faire. Go go go t’es capable.
Go.
Go.
Ouais.
Tu te retrouves là, debout, en pleine canicule, avec tes boîtes et tes émotions en delivery. L’après-ouragan, l’après-médiation, l’après-tout. L’après-fils, l’après-personne. Y’a personne pour t’achaler, tu peux défaire tes boîtes comme tu veux. Te peigner quatorze fois. Prendre ta douche trois fois. Ne pas te ramasser. Laisser ton vernis par terre. Manger du brocoli. avec une cuiller!
Tu peux aussi pleurer toutes les larmes de ton corps, personne ne va venir voir non plus.
C’est la liberté, qu’on appelle.
Go go go tu vas être tellement mieux après.
Tu refais ton lit, tu te peignes, tu chantes fort. Tu regardes le voisin. Tu dors quatorze heures par jour. Tu achètes plein de bébelles pour combler ton vide. Et surtout, tu niaises sur Facebook parce que hey, c’est là qu’il y a du monde. Mais honnêtement, dans ta boîte intérieure, la fragile, tu t’ennuies solide.
Même pas le goût de sortir, juste Badoo ou une autre niaiserie du genre que tu regardes, avec ton café de la veille, ta boîte d’air climatisé et un lit par terre. Pis ta tristesse en paquet de douze. Pis tu la traînes partout avec toi. Maudite boîte, aussi.
Trop lourde, celle-là. Elle rentre pas nulle part. Maudite boîte. Tu regardes ton téléphone, tu joues avec, tu penses à ta relation. Tu appelles ton ex subitement, parce que ta télé ne fonctionne pas, pis eille, il y a une araignée. Mais pas de réponse.
Il est parti.
Comme toujours.
La liberté, c’est magnifique.
Tu appelles ton enfant, mais il n’est pas là. Papa a les plus beaux jouets. Papa a les sous. Papa part en voyage. Papa a l’affaire. Maudite boîte aussi, c’est trop gros, ça rentre pas nulle part. Peut-être si je la met dans la chambre.
Dans un éclair de génie, tu penses aller cruiser. Mais tu réalises que ton cœur n’est pas rétabli de tout ça quand tu te mets à pleurer avec la nouvelle voisine, et tu as de la calamine dans la face à 3 h p.m. Ouin.
Vive la liberté. Peut-être que si je range la boîte dans le locker, ouais, c’est ça.
Subitement, tu prends ton auto, dans un désir de liberté, tes lunettes fumées, ton air clim, tu scandes la chanson Freedom, pour te retrouver… chez tes parents, en train de végéter l’air béat. Quatorze ans dans une boîte. Cristie de boîte hein. Grosse, là, impossible.
Je sais plus où la mettre. La boîte. Tsé, peut-être dans la petite chambre.
Et là, tu te rends compte, ils sont où, tes amis super qui te disaient de le laisser, pour de bon? Nada. Vacances. Parti. Pas là. Occupé, tsé. Ben, tsé. Vacant. Comme ta vie en ce moment.
La tristesse en paquet de douze, c’est jamais le fun à déménager, hein.
Dans ton quatre et demie, des boîtes plein le cœur, plein la tête, plein la vie d’avant, tu te remémores juste les bons moments, et tu regardes dehors.
Y’a une madame, y’a un chien. Y’a la voisine qui vient te saluer. Y’a le ciel encore. Y’é là
Et y’a un sentiment douteux qui tend à venir. Lentement. Doucement. Qui se lève, comme le vent du large. Doucement mais sûrement. Tu ouvres la porte, pour le humer un peu. Ça sent quand même pas pire bon.
Puis, tu essuies tes larmes, regarde l’univers, et souris.
Il y a de la vie après les boîtes.
Même en paquet de douze.