Numérologie matrimoniale
Hein? De la numérologie matrimoniale?
Ne vous en faites pas, je ne savais pas trop ce que c’était non plus jusqu’à ce je lise ce texte envoyé par une des lectrices de MVAMD. À votre tour de découvrir …
Ça fait maintenant trois cent soixante-huit jours que je suis séparée de mon mari, après
vingt-sept ans de mariage;
vingt-six voyages;
dix chars;
neuf emplois;
quatre maisons;
trois entreprises;
trois chats;
deux baccalauréats;
deux enfants magnifiques;
deux chiens;
un jeune adulte en désintox;
un diagnostic de dysphasie sévère;
une maîtrise;
un décès de papi adoré;
une trahison d’amie devenue rivale;
et tous les petits et grands jours avant et après, ces moments à la fois magnifiques et insignifiants qui tissent une existence à deux.
Je choisis pour tout de suite de décrire ma peine d’amour en chiffres car les mots justes ne me viennent pas encore. Claudette ma thérapeute m’assure que ça changera éventuellement, que tout se guérit avec le temps. Me semble qu’un an c’est bien assez long pour pleurer sa vie, pour haïr le tournant profondément pourri qu’a pris ma vie amoureuse (presque) parfaite jusqu’à maintenant, mais bon. C’est son métier de m’écouter brailler et de me bercer d’espoir, et 110$ de l’heure c’est pas grassement payé pour l’immensité de la tâche.
Ce qui est le plus difficile, c’est de me pardonner de ne pas l’avoir vu venir. C’est, après tout, une histoire vieille comme le monde : jeune couple ravissant fendant de potentiel se marie à vingt-deux et vingt-et-un ans respectivement, vivent relativement heureux et ont plusieurs (ben, deux) enfants. Puis, la fin de la quarantaine apporte avec elle plein de chouettes cadeaux conçus sur mesure pour le petit couple : insomnie, bédaines, bouffées de chaleur, combo poils disgracieux et calvitie, carrières stressantes, maladies de parents vieillissants, enfants en difficulté, échecs financiers. On a beau s’aimer, on arrive à un moment dans son couple où une semaine dans un tout-inclus à s’enfiler des Pina Colada à poil sur un balcon du Club Platine n’arrive plus à ressusciter la danse de la séduction entre vous.
Surtout que ce que je ne savais pas, moi fée du logis naïve, c’est que cet homme solide et aimant dont je me suis occupée avec une bonté et une patience infinies toutes ces années est devenu un objet de désir pour les jeunes poulettes avenantes gavées aux dick pics de Tinder. Que la raison principale pour laquelle mon mari chéri commence à se faire teindre la tignasse argentée (et trimer les poils d’oreille, de poche et de nez), et à s’acheter des nouveaux outfits affreux mais à la mode chez Banana Republic n’était pas pour que je le trouve beau pour assister au potluck des Fournier samedi soir, mais pour mieux séduire lors de sa sortie ironique chez Hooters avec sa « meilleure cliente » le vendredi, soirée à laquelle je n’étais pas invitée.
Je rectifie. À bien y penser, ce qui est le plus difficile, c’est de me pardonner de tout lui avoir donné de peur qu’il ne veuille plus de moi. D’avoir prétendu que j’étais une féministe coriace et indépendante, alors que dans les faits je lui confiais ce que j’avais de plus précieux, mon identité de femme, ma confiance en moi. Claudette dirait probablement que je suis trop dure avec moi-même, que sur le moment j’ai fait ce que je pouvais avec les moyens dont je disposais. Peut-être. N’empêche que mon orgueil en prend pour son rhume.
Je vous rassure. Je vais bien. La dernière année a été riche en belles amitiés, leçons de vie percutantes et découvertes inouïes. Isabelle 2.0 fait graduellement surface, et ma foi, elle est fucking puissante. J’ai même embrassé un homme autre que mon mari l’autre fois, et sa langue dans ma bouche ne m’a pas dégoûtée. Win! J’ai presque touché son pénis mais je me suis gardé une petite gêne. On était dans un racoin de la Gare Centrale. C’est une histoire pour un autre billet, la fois où j’ai compris que mon cœur me montrerait le chemin. Quarante-neuf ans, une seule vie. Les seuls chiffres qui comptent finalement.
Isabelle